Tunisie : reprendre les chemins de la solidarité internationaliste

Tunisie : reprendre les chemins de la solidarité internationaliste

Depuis quelques temps, la Tunisie est plongĂ©e dans une situation de rĂ©pression violente Ă  tous les niveaux : dĂ©clarations et violences racistes contre les migrant·e·s subsahariens, arrestations de syndicalistes, d’opposant·e·s politiques, de militant·e·s, pressions sur des journalistes et des juges


Par Les Inverti.e.s ·

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Rappelons d’abord quelques Ă©lĂ©ments de contexte. Le 14 janvier 2011, la Tunisie vit une rĂ©volution qui permet de dĂ©gager son dictateur Ben Ali et qui donne de l’espoir Ă  tout son peuple mais aussi aux peuples du monde arabe et partout dans le monde puisqu’elle sera suivie peu de temps aprĂšs par l’Egypte. Dix ans plus tard, en juillet 2021, le prĂ©sident populiste KaĂŻs SaĂŻed Ă©lu en octobre 2019, dans un contexte de crise Ă©conomique, politique et sociale, et d’inflation, gĂšle le parlement et s’arroge les pleins pouvoirs. Une nouvelle constitution est adoptĂ©e par rĂ©fĂ©rendum dans la foulĂ©e avec seulement 28 % de participation : une constitution qui rĂ©duit considĂ©rablement les pouvoirs des parlementaires. Les Ă©lections lĂ©gislatives de dĂ©cembre enregistrent un taux record d’abstention de plus de 90 %.

Mais la situation a pris un tournant plus violent encore Ă  partir du mois de fĂ©vrier de nombreux opposant·e·s politiques sont arrĂȘtĂ©s dont plusieurs dirigeants du Front du Salut National, coalition de plusieurs partis politiques formĂ©e depuis le coup d’état, mais aussi de l’arrestation d’un dirigeant de l’UGTT (principal syndicat en Tunisie) et du directeur de la radio MosaĂŻque, premiĂšre radio privĂ©e du pays. Les motifs : corruption, complot contre l’État,
 Une pression est mise aussi sur les juges afin qu’ils ne libĂšrent pas celles et ceux qui sont arrĂȘté·e·s.

Le 21 fĂ©vrier, la violence monte d’un cran puisque le prĂ©sident KaĂŻs SaĂŻed dĂ©clare dans un communiquĂ© : “Il y a un plan criminel prĂ©parĂ© depuis le dĂ©but de ce siĂšcle pour mĂ©tamorphoser la composition dĂ©mographique de la Tunisie. L’objectif des vagues successives de la migration clandestine est de considĂ©rer la Tunisie comme un État africain n’ayant aucune appartenance arabe et islamique”. Cette dĂ©claration permet un dĂ©chaĂźnement de violences contre les migrant·e·s d’une part par la police mais aussi par une partie de la population. Les migrant·e·s mais aussi l’ensemble des populations noires en Tunisie vivent Ă  prĂ©sent dans la terreur de ces violences : ils se font expulser de chez eux, des Ă©tudiant·e·s ne peuvent sortir de leur chambre par peur, des maisons sont dĂ©truites. De nombreux migrant·e·s se rĂ©fugient devant leurs ambassades et ceux qui veulent leur porter secours sont Ă  leur tour criminalisĂ©s. Si le silence du gouvernement français face Ă  ces dĂ©clarations n’est guĂšre Ă©tonnant : aprĂšs tout la chasse aux migrant·e·s et la criminalisation de celles et ceux qui leurs viennent en aide est de mise en Europe, l’extrĂȘme droite, elle, ne se trompe pas puisque Eric Zemmour a tout de suite retweetĂ© les propos du prĂ©sident Tunisien.

Le 23 fĂ©vrier, ce sont deux foyers de migrant·e·s LGBT subsahariens qui ont Ă©tĂ© violemment attaquĂ©s, la police a arrĂȘtĂ© certain·e·s des migrant·e·s, dĂ©chirĂ© les cartes de rĂ©fugiĂ©s en les insultant de sales pĂ©dĂ©s.

La situation est donc Ă  la fois une criminalisation des syndicalistes, des opposant·e·s politiques, de la libertĂ© d’expression via la presse, Ă  laquelle s’ajoute une violence raciste sans prĂ©cĂ©dent commise Ă  la fois par une partie de la population et par les structures de l’État. C’est donc un tournant de fascisation que l’on peut voir Ă  l’Ɠuvre ici.

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Face Ă  cette situation, une premiĂšre manifestation a eu lieu dans les rues de Tunis samedi dernier contre le racisme regroupant un millier de personnes et l’UGTT appelle Ă  une manifestation pour les libertĂ©s syndicales et les libertĂ©s fondamentales, le samedi 4 mars aprĂšs une grĂšve massive dans le ferroviaire le jeudi 2 mars. De son cĂŽtĂ©, le Front du Salut National appelle Ă  un rassemblement le 5 mars, dĂ©jĂ  interdit par le pouvoir. Mais au vu de la situation que vivent les Tunisien·ne·s on comprend que se mobiliser aujourd’hui peut ĂȘtre particuliĂšrement difficile.

C’est pourquoi la construction d’une solidaritĂ© internationaliste, ici en France et partout dans le monde est particuliĂšrement importante. Nous ne le rappellerons jamais assez, pour nous il ne doit pas y avoir de frontiĂšres entre les travailleurs et travailleuses. Le sort de celles et ceux qui sont opprimé·e·s et exploité·e·s partout dans le monde nous regarde et nous devons construire avec elles et eux une solidaritĂ©. Pour cela, prendre conscience que faire pression sur notre propre gouvernement qui entretient toujours une relation coloniale avec la Tunisie est essentiel. Nous avons d’autres biais de mobilisations : visibiliser la situation, pouvoir participer aux rĂ©coltes d’argent, ĂȘtre disponibles pour celles et ceux qui luttent lĂ -bas.

Une premiĂšre manifestation Ă  lieu ce soir, vendredi 3 mars Ă  17h devant l’ambassade de Tunisie Ă  l’appel de dizaines d’organisations dont des associations tunisiennes, mais aussi des syndicats et des organisations politiques du mouvement ouvrier. Bien que l’appel est signĂ© largement, les organisations de gauche ont perdu depuis un moment les rĂ©flexes internationalistes, il n’y a qu’à voir comment les mobilisations pour la Palestine sont faibles ces derniĂšres annĂ©es alors que le peuple palestinien se fait silencieusement assassinĂ© par l’État colonial israĂ«lien. Construire une solidaritĂ© entre les peuples, c’est renforcer le rapport de force contre le capitalisme car lui n’a pas de frontiĂšres dans l’exploitation et l’oppression. Alors que l’extrĂȘme droite, les rĂ©actionnaires et les fascismes montent partout dans le monde, c’est notre responsabilitĂ© que de rappeler cette phrase de Karl Marx toujours aussi actuelle : “ProlĂ©taires de tous les pays, unissez-vous !”

On se tient au jus pour nos prochaines actus ?
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