8 mars : Une lesbienne en garde Ă  vue pour un drapeau ?

8 mars : Une lesbienne en garde Ă  vue pour un drapeau ?

La manifestation du 8 mars fut une franche réussite dans la lignée du mouvement contre la réforme des retraites. Elle fut aussi un nouvel exemple de répression politique avec la garde à vue d'une camarade à cause de son drapeau lesbien.

Par Les Inverti.e.s ·

La manifestation du 8 mars pour la journĂ©e internationale des droits des femmes a Ă©tĂ© une franche rĂ©ussite. A Paris, malgrĂ© une pluie battante (n’en dĂ©plaise Ă  Olivier VĂ©ran, la sĂšcheresse ce n’est dĂ©finitivement pas notre faute) nous avons dĂ©filĂ© dans une ambiance festive et combative dans un Pink bloc pour rappeler qu’au triptyque « Violences, IVG, inĂ©galitĂ©s salariales » le mouvement fĂ©ministe doit ajouter les combats des lesbiennes, des femmes trans, et des minoritĂ©s de genre.

Si les mouvements de lesbiennes se sont toujours battu au cĂŽtĂ© des hĂ©tĂ©ra pour le droit Ă  l’interruption volontaire de grossesse par exemple, qui ne les concerne au final qu’assez peu, il faut en faire de mĂȘme pour gagner une vraie PMA pour toustes, pour le droit au changement d’état civil, libre, gratuit et accessible, pour l’émancipation de toutes les femmes, et pour mettre Ă  bas le patriarcat et le capitalisme qui repose structurellement sur la domination des femmes et sur la famille traditionnelle hĂ©tĂ©rosexuelle.

Les pĂ©dĂ©s et/ou les hommes trans ont pu apporter leur soutien Ă  cette mobilisation vitale, car en plus d’une solidaritĂ© militante, ils sont la preuve qu’un couple composĂ© de deux hommes, par la force des choses peut laver ses chaussettes, s’occuper des gosses, et esquisser d’autres modĂšles plus Ă©galitaires dans le couple : ce que pĂ©dĂ© peut faire, homme cis-het devrait avoir la capacitĂ© de le faire
 et pourtant


ArrivĂ©-es place de la Nation, alors que le cortĂšge Ă©tait dispersĂ©, les banderoles dans les sacs, les drapeaux de notre organisation remballĂ©s, les drapeaux « couvertures de survies » (symboles de notre slogan « on veut vivre et non survivre ») enroulĂ©s, nous nous dirigeons vers la sortie de la place. Nous passons un premier barrage policier sans encombre, cĂŽtoyant des agents armĂ©s qui se cachaient derriĂšre des panneaux publicitaires, en embuscade, en total dĂ©calage avec la manifestation qui s’était bien passĂ©e.

AprĂšs un deuxiĂšme barrage, alors que la plupart des membres du collectif sont passé·es, un policier tique sur le drapeau de la fiertĂ© lesbienne que porte une camarade sur ses Ă©paules. Il s’écrie, « il faut cacher ça ». Ce Ă  quoi la camarade rĂ©torque qu’il s’agit d’un simple drapeau lesbien, et qu’il n’est pas interdit de se balader vĂȘtue de drapeaux, qu’elle n’a jamais vu ça, et que d’habitude ça ne pose pas de problĂšme.

Illustration 1

Les policiers, narquois, lui disent que dans ce cas il faut sortir par une autre sortie, toujours sous des trombes d'eau. La camarade demande d’oĂč proviennent ses ordres, qui lui semblent anti-dĂ©mocratiques et purement politiques de la part des CRS, dont la rĂ©ponse fut un sourire, un regard fuyant et le silence des CRS.

MalgrĂ© des instructions infondĂ©es, injustes et illĂ©gitimes, elle s’exĂ©cute et se dirige vers une autre sortie. ChoquĂ©e et excĂ©dĂ©e par cette provocation, alors que les policiers sont dans son dos, elle lĂąche « vous n’avez pas mieux Ă  faire de votre vie sĂ©rieux ». L'altercation a lieu. C’est alors que cinq policiers se ruent vers elle. La retiennent. Ils la mettent Ă  l’écart, sous la pluie. L’emmĂšnent sous un abribus et procĂšdent Ă  un contrĂŽle d’identitĂ©.

Alors oui, nous on doit ĂȘtre polie, gentille, courtois, et dire merci, quand nous avons face Ă  nous, mĂ©pris, moquerie, et provocations. La camarade comprend qu’à partir de lĂ  ils avaient rĂ©ussi Ă  la faire craquer, qu’en somme ils avaient eu ce qu’ils voulaient. Ils allaient pouvoir lui donner une bonne leçon Ă  cette petite fĂ©ministe lesbienne qui a l’outrecuidance de l’ouvrir, et d’arborer fiĂšrement un dangereux drapeau sĂ©ditieux.

On voit donc, en ce 8 mars 2023, notre camarade, 1m60, toujours son drapeau lesbien sur les Ă©paules, se faire embarquer par 5 hommes costauds pour quelque mots de travers alors que la situation avait Ă©tĂ© initiĂ©e par les policiers eux-mĂȘmes et que sans leur barrage inutile et leurs provocations lesbophobes et sexistes, il n’y aurait pas eu d’incident.

Alors qu’elle est poussĂ©e vers une fourgonnette, avec ses affaires, son drapeau et sa pancarte sur laquelle est Ă©crit « Un multirĂ©cidiviste m’a violĂ©e il est encore en libertĂ© », les policiers continuent tout sourire et l’un deux lui lance droit dans les yeux : « Calmez-vous mademoiselle, ça va bien se passer » reprenant ainsi les termes que GĂ©rald Darmanin avait profĂ©rĂ©s un an plus tĂŽt face Ă  Apolline de Malherbe. Ces mots seront rĂ©pĂ©tĂ©s Ă  de multiples reprises pendant la garde Ă  vue.

Illustration 2

S'ensuit une succession de provocations et de propos mĂ©prisants. DĂšs le dĂ©but, un policier lui dit, le sourire aux lĂšvres, « je vais voir si je peux vous mettre 48h ». Le mĂ©decin refuse de lui donner son traitement contre l’endomĂ©triose qu’elle a dans son sac. Elle demandera Ă  6 reprises de pouvoir changer sa culotte de rĂšgles souillĂ©e. Une propre Ă©tait dans son sac. Au lieu de ça, on finit par lui donner plusieurs heures plus tard une serviette hygiĂ©nique, qu’elle devrait donc, selon eux, mettre dans une culotte menstruelle sale, risquant un choc toxique. En ce 8 mars, on a pu vĂ©rifier que les policiers ne savent toujours pas ce que sont les rĂšgles.

Les policiers la tutoient, quand elle demande qu’on lui relise ce qu’ils Ă©crivent du procĂšs-verbal , l'un d’entre eux refuse en disant « on va pas jouer Ă  la maĂźtresse ». InterrogĂ©e sur les motivation de sa venue en manifestation, elle leur prĂ©cise que tout est Ă©crit sur sa pancarte. Un policier dit « C’est pas mon problĂšme si vous vous ĂȘtes faite violer ». Ils l’interrogent sur le collectif des Inverti·e·s et continuent les moqueries « si les anarcho-LGBT [sic] s’y mettent
 » sans finir sa phrase. Les policiers ont toujours eu du mal Ă  faire la diffĂ©rence entre anarchistes et marxistes, un stage de culture politique avec les Ă©quipes de « Minutes rouges » ne leur ferait pas de mal.

On la menace de nouvelles poursuites si elle ne donne pas ses empreintes digitales et son code de tĂ©lĂ©phone immĂ©diatement, sans consultation avec un avocat au prĂ©alable. Les policiers se mettent Ă  fouiller le tĂ©lĂ©phone, prennent des photos des visages de ce qu’ils identifient comme des membres des Inverti·e·s, ils regardent les conversations des boucles whatsapp, regardent les stories, publications et messages privĂ©s du collectif Inverti·e·s. Voyant le contenu politique, ils la traitent de « dĂ©bile » et disent « qu’il faut se faire soigner ». Lorsque la mĂšre de la camarade leur dit au tĂ©lĂ©phone « Quel beau symbole pour le 8 mars, d’embarquer une jeune femme pour un drapeau », un policier lui rĂ©pond « Et oui madame, c’est ça la police française » avant de lui raccrocher au nez et de dire "telle mĂšre telle fille". 

À la sortie de la garde Ă  vue elle retrouvera sa pancarte sur le viol qu’elle a subi dĂ©chirĂ©e en 4 morceaux.

La camarade est convoquée par le délégué du procureur de la république en juillet.

On ne peut pas s’empĂȘcher de se demander pourquoi quand le ministre de la Justice lui-mĂȘme, Éric Dupond-Moretti fait trois « bras d’honneur » dans l’hĂ©micycle de l'AssemblĂ©e Nationale, il ne finit pas interrogĂ© de la sorte, baignant dans du sang de rĂšgles pendant 28h.

Ces tentatives d’intimidations et ces fouilles dans les canaux internes de notre collectif « les Inverti·e·s » sont intolĂ©rables. Elles ne nous feront pas taire, ne nous calmeront pas. Nous continuerons Ă  nous battre contre l’immonde contre-rĂ©forme des retraites parmi les millions de personnes dĂ©jĂ  dans la bataille et toutes celles qui nous rejoignent. Nous Ă©tions de retour dans la rue, Ă  Paris, dĂšs le samedi 11 mars et nous y serons ce mercredi 15 mars 2023. 

Et nous sortons de cet Ă©pisode renforcĂ© sur l’idĂ©e que non seulement la police ne nous protĂšge pas mais qu’en plus, elle nous dĂ©teste, nous humilie, nous maltraite, nous veut du mal. Nous le savons depuis 1969 et les Ă©meutes de Stonewall, provoquĂ© par un Ă©niĂšme harcĂšlement contre des trans, pĂ©dĂ©s, bi·es, gouines ; luttes qui sont commĂ©morĂ©es chaque annĂ©e par les marche des fiertĂ©s. Mais aussi ici, Ă  la sortie des camps, entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et l'abrogation du "dĂ©lit d'homosexualitĂ©" en 1982 alors la police française faisait des dĂ©centes dans les lieux communautaires, sur les points de drague, aux vespasiennes et que 10 000 peines furent prononcĂ©es pour « dĂ©lit d'homosexualitĂ© ». Jugements en correctionnelle, amendes et parfois peines d’emprisonnement. DĂ©nonciation au patron, aux familles. Cette traque n'a jamais cessĂ©e pour les travailleur·euses du sexe. Bref, nous avons eu une nouvelle illustration de ce que la police reprĂ©sente en terme de contrĂŽle social.

L’association policiĂšre “Flag!” a bien du travail Ă  faire avant pouvoir espĂ©rer venir faire les beaux sur des chars Ă  la pride.

On se tient au jus pour nos prochaines actus ?
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