Le Pen : fille à pédés ou copine des homophobes ?

Le Pen : fille à pédés ou copine des homophobes ?

Si aprĂšs les camps, il Ă©tait Ă©vident que l'extrĂȘme droite Ă©tait ennemie des inverti·e·s, depuis quelques annĂ©es le fascisme semble avoir un visage plus gay-friendly. Que masque cette Ă©volution ? Quelles en sont les dynamiques ? Le FN a-t-il vraiment changĂ© ? Un peu d'histoire-gĂ©o pour nous rafraichir la mĂ©moire.

Par Les Inverti.e.s ·

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Karine Le Marchand possĂšde un gaydar sans faille, elle s’est fait remarquer rĂ©cemment sur les rĂ©seaux sociaux avec un talent incroyable : elle sait repĂ©rer les gays. « T’es gay toi, t’es mignon  ». Le 7 novembre 2021, Ă  six mois de l’élection prĂ©sidentielle, elle Ă©tait reçue par la candidate de l’extrĂȘme droite Marine Le Pen dans une Ă©mission trĂšs complaisante : « Une ambition intime ». Dans le jardin ensoleillĂ© de l’une de ses rĂ©sidences secondaires, entre les ricanements, la candidate du parti fondĂ© par un tortionnaire de la guerre d’AlgĂ©rie, un ancien d’Ordre Nouveau devenu prĂ©sident du GUD et un Waffen SS, se dĂ©voile sur sa vie privĂ©e. CĂ©libataire, Marine Le Pen vit depuis 5 ans en collocation avec
 une amie d'enfance ! « Pas d'hommes dans cette maison, mĂȘme les chats sont des femelles ». Des chattes donc. Toutes les gouines devant la tĂ©lĂ© ont tendu l’oreille, « Elle ne nous ferait pas un petit coming-out des familles lĂ  par hasard ? »

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C’est fou ces chattes ! Ces chattes qui, inconsciente de leur rĂŽle politique, brouillent les esprits. FidĂšles chattes-flic au service d’une cause plus grande qu’elles. Adoucir l’image. DĂ©diaboliser.  
La dĂ©diabolisation passe par les fĂ©lins mais aussi par une apparente ouverture Ă  l’homosexualitĂ©. En effet, le FN/RN s’est fait remarquer par le nombre d’hommes gays placĂ©s Ă  des postes de cadre et dans l’entourage proche de Marine Le Pen. Ça commence par les « outĂ©s », Florian Philippot (par Closer en 2015) et Steeve Briois (par Octave Nitkowski dans son livre « Le Front national des villes et le Front national des champs »). Et puis il y a SĂ©bastien Chenu, un des fondateurs de Gaylib, qui a quittĂ© l’UMP en 2014 pour rejoindre le Front. La mĂȘme annĂ©e, les journaux people exultent, un ex-cover boy de TĂȘtu rallie le FN : Julien Odoul qui se fera remarquer plus tard au conseil rĂ©gional de Bourgogne-Franche-ComtĂ© alors qu’il prend pour cible une mĂšre accompagnatrice portant un voile lors d'une sortie scolaire, mais lui le rĂ©pĂšte « Que les choses soient claires : je n'ai pas de revendication communautariste. Je ne suis pas gay, d'une part, et pas communautariste, d'autre part. Et contrairement Ă  ce qui a Ă©tĂ© dit, je ne suis pas un militant LGBT ». Puis, plus rĂ©cemment un ancien de chez Dupont-Aignan : Jean-Philippe Tanguy, monsieur « silence pour la France » de l’AssemblĂ©e Nationale a Ă©galement rejoint celle qu’il considĂšre comme « la protectrice des Juifs et des homosexuels qui ne peuvent plus vivre dans certains quartiers ».

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Anomalie ou stratĂ©gie, en tout cas, dans une frange de l’extrĂȘme droite ça ne passe pas, le torchon fasciste Minute Ă©voque un « lobby gay » au FN, Jean-Marie Le Pen parle des « mignons » de Florent Philippot et se permets toutes les extravagances homophobes jusqu’à dire « les homosexuels, c'est comme le sel dans la soupe : s'il n'y en a pas assez c'est un peu fade, s'il y en a trop c'est imbuvable ».
On ne peut pas comprendre cet engouement si on ne comprends pas le rĂŽle du FN puis du RN dans l’organisation des extrĂȘmes droites française. Se voulant ĂȘtre la maison commune des diffĂ©rentes lignes, le parti a vocation Ă  regrouper les nationalistes (ou souverainistes selon leurs vocables), les cathos traditionalistes, les identitaires, les bonapartistes, certains royalistes ... et ces lignes s’entre dĂ©chirent.

D’un cĂŽtĂ©, le courant des les cathos traditionalistes, la team messe en latin, serre-tĂȘte et chevaliĂšre, ceux qui nous pensent « contre-nathuureann » et qui est le plus nettement homophobe. Ayant des cousins dans toutes les religions, c’est grosso modo les intĂ©gristes. Ils se retrouvent tant dans les partis d’extrĂȘme droite — c’était Gollnisch, Marion MarĂ©chal et selon l’humeur Louis Aliot —  que dans les partis de la droite dite traditionnelle, qui accueille sans broncher des Christian Vanneste (homophobe notoire, mentor de Darmanin) et Christine Boutin (cousinades toujours) qui a tendance Ă  se rapprocher des Zemmouristes, comme plusieurs des sus-citĂ©s d’ailleurs. On y reviendra.
Il y a ceux qui aiment s’appeler souverainistes, c’est la nĂ©buleuse UPR - Debout la France - Les patriotes, loin de dĂ©fendre les avancĂ©s LGBTI, pour eux ce n’est pas un sujet politique. C’est ceux qui paraissent le moins monstrueux: le nationalisme bon chic bon genre. C’est le courant qui attire le plus de gay vers l’extrĂȘme droite, c’est la passerelle.
Il y a Ă©galement les groupuscules nĂ©o-nazis, GUD, GĂ©nĂ©ration Identitaire, Action Française, les Zouaves. C’est la frange la plus violente, qui a formĂ© et façonnĂ© les cadres de l’extrĂȘme droite. C’est les tabasseurs, qui quand ils vieillissent deviennent cadre du FN, en attendant ils servent d’agent de sĂ©curitĂ© au FN, Ă  la Manif Pour Tous et aux groupuscules transphobes.
Et puis il y a un courant nationaliste, qui ménage la chÚvre et le choux, qui est hostile à toutes les avancés, PACS, mariage, adoption, PMA, transitions
 celui de Marine Le Pen.
Le chercheur Mickael Studnicki dĂ©crit qu’en dĂ©pit de son dĂ©goĂ»t moral et de sa condamnation rĂ©itĂ©rĂ©e des rapports entre personnes du mĂȘme sexe, le courant nationaliste ne milita pas en faveur d'une pĂ©nalisation de l'homosexualitĂ©. Il fut en effet davantage prĂ©occupĂ© par la question de l'effĂ©minement, assimilĂ©e Ă  une inversion de genre et Ă  une perte des attributs de la masculinitĂ©, et entendait limiter la visibilitĂ© homosexuelle au sein de la sphĂšre publique. A ce titre, il considĂ©rait que la lĂ©gislation existante permettait dĂ©jĂ  de lutter contre le « vice » par un systĂšme de surveillance des lieux publics, par des rondes policiĂšres prĂšs des lieux de drague rĂ©pertoriĂ©s, des descentes dans les Ă©tablissements accueillant des prostituĂ©s ainsi que des poursuites pour outrage public Ă  la pudeur. L'objectif premier du courant nationaliste consiste Ă  restreindre au maximum la visibilitĂ© homosexuelle, tant dans l'espace public que dans la sphĂšre littĂ©raire, et de faire de l'homosexualitĂ© un non-sujet, duquel il convient de parler le moins possible. A ce titre, la position du courant nationaliste français se rapproche de celle du fascisme italien, qui lutta contre la visibilitĂ© du phĂ©nomĂšne et s'en prit aux homosexuels effĂ©minĂ©s tout en veillant Ă  faire le moins de publicitĂ© possible sur ces mesures, et peut-ĂȘtre aussi du franquisme. En parallĂšle, les mouvements nationalistes manifestĂšrent une forme de tolĂ©rance tacite envers les homosexuels virils et discrets, tant que ceux-ci ne suscitaient pas le scandale de par leur comportement. 

La meilleure illustration de cette analyse, c’est Jean-Marie Le Pen qui nous la donne en 1995 lors de l’universitĂ© d’étĂ© de son parti, ou il dĂ©clare Ă  la tribune : « Je confesse qu’il doit y avoir des homosexuels au FN, mais il n’y a pas de folles. Les folles, on les envoie se faire voir ailleurs ».
C'est la version fasciste des comptes Grindr qui disent dans leur bio: « Masc for masc, no fem, no black, no arab, no asian, no fat... no homo ».

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Il est nĂ©cĂ©ssaire de rappeller que c’est bien un pouvoir d’extrĂȘme droite : le rĂ©gime de Vichy dirigĂ© par PĂ©tain qui a repĂ©nalisĂ© l’homosexualitĂ© en 1942 avec un article qui pĂ©nalisait tous rapports homosexuels entre personnes consentantes de moins de 21 ans, Ăąge ramenĂ© Ă  18 ans en 1974, alors que pour les rapports hĂ©tĂ©rosexuels, la majoritĂ© sexuelle Ă©tait de 15 ans. Pourtant, lors des dĂ©bats de dĂ©pĂ©nalisation de 1982 avec la bataille pour la suppression dĂ©finitive de l'alinĂ©a 2 de l'article 331 du Code pĂ©nal, le petit parti Front National est assez silencieux et laisse la droite classique Ă  la manƓuvre. On n’oublie pas que les dĂ©putĂ©s Jacques Chirac, François Fillon, Alain Madelin, Jean-Louis DebrĂ©, Philippe SĂ©guin, Jacques Toubon, Michel Barnier et Jean-Claude Gaudin, avaient, en leur Ăąme et conscience, votĂ© contre la dĂ©pĂ©nalisation de l'homosexualitĂ©. 

 Si la dĂ©pĂ©nalisation de 1982, qui n'est un rĂ©el sujet que pour le courant catho tradi, c'est l'apparition de l'Ă©pidĂ©mie de VIH/sida qui constitue le vĂ©ritable point de bascule dans la mesure oĂč la maladie va ĂȘtre en partie associĂ©e Ă  l'homosexualitĂ© par l'opinion publique et que les principales associations de lutte contre le virus vont ĂȘtre animĂ©es par des homosexuels. A partir de la seconde moitiĂ© des annĂ©es 80, le sida place en effet la question homosexuelle au cƓur du dĂ©bat public car les homosexuels vont dans un premier temps ĂȘtre dĂ©signĂ©s comme les principaux vecteurs de l'Ă©pidĂ©mie (le « cancer gay »).
C’est au moment oĂč la communautĂ© est le plus durement frappĂ©, au moment oĂč sont rayĂ©s des agendas des millier de nom d’homosexuels, au moment oĂč l’on perd Michel Foucault, Harvey Milk, Mark Ashton, Guy Hocquenghem , Jacques Demy et tant d’autres que le courant nationaliste tend Ă  durcir son discours sur l'homosexualitĂ©. On retrouve ses fondamentaux : pĂ©chĂ©, pratique contre-nature, danger pour la jeunesse.
Le Pen se fait remarquer par ses sorties infectes, insultantes, et dangereuse : « Le sidaĂŻque est contagieux par sa transpiration, ses larmes, sa salive, son contact. C’est une sorte de lĂ©preux ». Suivant les conseils du docteur frontiste François Bachelot, Jean-Marie Le Pen demande la crĂ©ation de « sidatoriums ». Quelques semaines auparavant, ce mĂȘme François Bachelot prodiguait dĂ©jĂ  ses conseils racistes et antisĂ©mites dans une interview Ă  LibĂ©ration le 13 fĂ©vrier 1987. InterrogĂ© sur le VIH, il met en garde les Africains « Ă  qui il va falloir expliquer qu’ils ne peuvent pas tout faire de leur vie sexuelle », mise en garde aussi pour les « IsraĂ©lites » des risques d’infection « du fait de la circoncision ».
Le FN a prĂŽnĂ© une politique d’exclusion, d’enfermement, de stigmatisation des personnes vivant avec le VIH, par des dĂ©clarations catastrophistes sur le sida et une vision aussi apocalyptique que paranoĂŻaque de la maladie.

Dans son dossier « FN, RN et lutte contre le VIH/sida : reconnais ton ennemi »,

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l’asso de lutte contre le VIH/Sida Aides raconte aussi comment le FN est Ă©galement le seul parti politique Ă  avoir installĂ© jusqu’à aujourd’hui les termes « sida » et « VIH » au cƓur de son langage politique comme des Ă©lĂ©ments de disqualification, traduisant par exemple SIDA par « Socialisme Immigration Drogue Affairisme » pour une affiche.
Hostile aux unions civiles pour les personnes de mĂȘme genre, Le Pen n'engagea cependant pas officiellement son parti dans la bataille dans la rue contre le PACS, rechignant Ă  prendre part aux dĂ©filĂ©s, et laissa la libertĂ© de manifestation Ă  ses troupes. Ce fut une fois de plus le courant catho tradi qui s'investit dans ce combat, alors que le mouvement se trouvait en crise et qu'une partie des cadres et des militants suivirent Bruno MĂ©gret au MNR, le Mouvement National RĂ©publicain, une scission du FN. Dans son programme prĂ©sidentiel de 2002 et 2007 le FN rĂ©clamait toujours son abrogation. Pendant le dĂ©bat sur le mariage pour tous, Marine Le Pen qui est contre, dĂ©clare partout que ça ne sert Ă  rien puisqu’il y a le PACS. Pas Ă  une incohĂ©rence prĂȘte, elle dĂ©clare pourtant le concernant « Ce sont les gens qui ont cĂ©dĂ© Ă  ces revendications qui se sont trompĂ©s, puisque ça n’était pas une demande des homosexuels. » Son abrogation ? « Les choses sont faites. Beaucoup d’autres en ont bĂ©nĂ©ficiĂ© : frĂšres, sƓurs, couples hĂ©tĂ©rosexuels
 c’est est une niche fiscale », Et quand dans la mĂȘme interview on lui demande si elle est contre les autres avancĂ©s des droits des LGBTI elle rĂ©pond « Quels droits autres que ceux obtenus par un certain nombre avec le PACS ? Le droit d’adoption ? Je suis Ă©galement contre. »
Comme papa, au moment des manifestations contre le mariage pour tous, Marine Le Pen ne va pas manifester mĂȘme si elle pense que « le mariage c’est l’union d’un homme et d’une femme » et qu’elle est contre le projet de loi. Elle dit « Je ne me sens pas obligĂ©e de battre le pavĂ© pour exprimer mes positions ». Elle laisse sa niĂšce, Marion MarĂ©chal Le Pen, son mari d’alors, Louis Aliot et Gilbert Collard

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aller draguer les tradis. Bruno Gollnisch regrette son absence et rappelle que « Le FN soutient cette manifestation ». L’ensemble des dĂ©putĂ©s de l’extrĂȘme droite voteront contre l’ouverture du mariage au personne de mĂȘme genre.
Alors que Marion MarĂ©chal Le Pen se fait remarquer par ses propos faisant le lien entre mariage pour tous et polygamie, des mĂ©dias de masse laissent penser que sa tante est embarrassĂ©e par ces propos, alors mĂȘme qu’elle avait tenu les mĂȘme au micro de France Inter le 14 juin 2011 quelques mois auparavant. 
L’importance des « manif pour tous » a surtout Ă©tĂ© dans l’alliance large qui a Ă©tĂ© constituĂ© allant de la droite classique, des intĂ©gristes religieux, Ă  l’extrĂȘme droite, en passant par les groupuscules nĂ©o-fascistes. La normalisation d’un discours ultra-rĂ©actionnaire et une premiĂšre union des droites contre les droits de LGBTI.
L’historique des liens entre l’extrĂȘme droite et les homos, c’est l’intĂ©gration au modĂšle hĂ©tĂ©rosexuel, mais pas trop.
On veut des homos dans le placard, on rĂ©pĂšte ad nauseam qu’il s’agit d’affaires privĂ©es. Mais en mĂȘme temps on se bat contre une intĂ©gration au modĂšle traditionnel, contre le PACS, contre le mariage, contre l’adoption, contre la PMA et tous les droits. On accepte les gays s’ils portent la cravate, vont Ă  la messe et ne revendiquent rien, ne baisent pas, et surtout se taisent.  
SĂ©bastien Chenu quand il rejoint le RN prĂ©tend qu'il n'a « jamais Ă©tĂ© un militant gay » ni «élu gay» il dĂ©teste plus que tout «le vocable LGBT». Il dĂ©clare « Je n'ai jamais voulu ĂȘtre le pĂ©dĂ© de service. J'ai toujours vĂ©cu ma vie privĂ©e sans me cacher. » (Attention M.Chenus, avec de tels propos Linda Kebbab pourrait vous faire un procĂšs) Mais alors qu’est-ce qui fait que des homos rejoignent ce parti qui les mĂ©prisent, et qui depuis sa crĂ©ation a toujours Ă©tĂ© contre leurs droits ? L’élĂ©ment de rĂ©ponse le plus pertinent c’est l’islamophobie et le racisme.
C’est Jean-Philippe Tanguy qui le dĂ©crit le mieux dans sa phrase sur les juifs et les homosexuels qui ne peuvent plus vivre dans certains quartiers, en rĂ©alitĂ© il s’agit du plagiat d’une phrase prononcĂ©e par Marine Le Pen le 10 dĂ©cembre 2010 dans un discours adressĂ© Ă  des militants lyonnais « Dans certains quartiers, il ne fait pas bon ĂȘtre femme, ni homosexuel, ni juif, ni mĂȘme français ou blanc. » Quand elle parle de « certains quartiers » elle ne parle pas des quartiers chics dans lesquels elle a grandi, ni de son parti qui a toujours luttĂ© contre les droits des femmes Ă  disposer de leurs corps, elle ne parle pas de son pĂŽpa qui beuglait en courant « Je vais te faire courir moi, pĂ©dĂ©, rouquin ! », elle ne parle pas de son enfance oĂč, selon sa propre mĂšre, quand Hitler apparaissait Ă  la tĂ©lĂ© on le surnommait « tonton Dolfi » ; et quand elle parle des « français ou blanc » on sait juste qu’elle stigmatise de fait, les Ă©trangers, et pas n’importe lesquels : les non-blancs.
Tout ce gloubi-boulga avait Ă©tĂ© Ă©noncĂ© pour dĂ©noncer ce qu’elle appelle alors « l'occupation islamique » alors mĂȘme que son pĂšre et fondateur du parti jugeaient l’occupation nazie de la France « pas si inhumaine que cela » et qu’elle, disculpe l’État Français et sa police de sa responsabilitĂ© historique.
En rĂ©alitĂ© ce qui se joue, c’est l’installation d’un discours homonationaliste dans l’extrĂȘme droite française. Un « choc sexuel des civilisations ». La crĂ©ation d’un « Nous » et d’un « Eux ».
Ce n’est pas un « point de dĂ©tail » le thĂ©oricien du concept fumeux, conspirationniste et xĂ©nophobe de « Grand remplacement » Renaud Camus Ă©tait, et beaucoup l’ont oubliĂ©, une figure de la cause homosexuelle dans les annĂ©es 1970.

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Beaucoup ont oubliĂ© qu’il fut chroniqueur au magazine « Gai Pied ». Beaucoup ont oubliĂ© qu’il fut l’auteur de « Tricks », publiĂ© en 1979, rĂ©cit de ses rencontres d’un soir au Palace ou dans les backrooms de Manhattan et du Sept. Était-il raciste avant d’ĂȘtre un « mal-baisĂ© », ou l’inverse ? Son racisme Ă©tait-il la cause de ses baises foireuses ?   Lui qui Ă©crit dans Tricks « Est-ce que je dois renoncer une fois pour toutes Ă  tenter de faire l’amour, quand l’occasion s’en prĂ©sente, avec des Nord-Africains ? Dans la grande majoritĂ© des cas – il y a eu deux ou trois splendides exceptions –, nos sexualitĂ©s, Ă  eux et Ă  moi, sont rigoureusement incompatibles. Et ce n’est vraiment pas de ma faute. Et personne ne me fera croire que cette sexualitĂ©, la sienne, la leur, est une sexualitĂ© heureuse, ou souhaitable : elle est pauvre, elle est avare, elle est Ă©goĂŻste, elle est insupportablement vaniteuse, Ă©triquĂ©e, machiste, expĂ©ditive, fruste. Elle est aux antipodes de tout ce que je peux aimer, de tout ce qui est aimable.» Ou dix ans plus tard aprĂšs une aventure sexuellement malheureuse en Tunisie : «Malheureusement, c’est l’occasion de me souvenir que les Arabes et moi, dĂ©cidĂ©ment » Faut-il le rĂ©pĂ©ter, il y a un rapport malsain entre les vieux pĂ©dĂ©s blanc au cul tout flasque et les arabes, de la fĂ©tichisation au racisme il n’y a qu’un pas.
Eric Fassin comparait en 2010 assez justement Camus avec Pim Fortuyn, homme politique néerlandais dont l'homosexualité flamboyante fondait la xénophobie sur le rejet des imams, au motif que ceux-ci « entravaient son goût pour les garçons marocains ». Les sacs à vomis se trouvent dans les pochettes sur le dossier des siÚges devant vous.
On ne le rĂ©pĂštera jamais assez, mais l’homonationalisme n’est pas incompatible avec l’homophobie, d’ailleurs, le mĂȘme Jean-Philippe Tanguy dĂ©clarait en plein scandale des « Uber Files » (trop vite oubliĂ© d’ailleurs) « Monsieur Rothschild a dit lui-mĂȘme qu’il a pris Macron parce qu’il savait solliciter les aspirations homo-Ă©rotiques d’un certain nombre de cadres. » Finalement, il s’est rĂ©tractĂ©s. C’était probablement le rĂ©sultat de ses propres fantasmes
 On n’en saura pas plus.
L’homonationalisme ne rĂ©siste pas aux faits, tous les droits lĂ©gislatifs obtenus par les LGBTI, ont Ă©tĂ© arrachĂ©s, par les homos qui, prĂ©cisĂ©ment, faisait de leurs prĂ©fĂ©rences sexuelles, de leurs orientations, de leur invertissement un sujet politique. Si il y a eu des victoires, nous les devons au FHAR (Front Homosexuel d’Action RĂ©volutionnaire), aux folles, aux travs, et aux trans des Gazolines, aux Gouines Rouges, aux GLH (Groupe de LibĂ©ration Homosexuelle), au CUARH (ComitĂ© d'Urgence Anti-RĂ©pression Homosexuelle), au Gay Liberation Front, Ă  LGSM ( Lesbians and Gays Support the Miners ), Ă  ActUp, et Ă  tous les groupes militant homosexuels flamboyant et merveilleux que je ne peux pas tous citer. Face Ă  des ennemis trĂšs prĂ©cis : l’extrĂȘme droite, la droite, les cathos tradi, les rĂ©actionnaires et les nazis. L’histoire de l’occident, c’est aussi celle des camps dans lesquelles nous avons Ă©tĂ© foutu avec les juifs, les personnes handicapĂ©s, les tziganes et les communistes. L’histoire de l’occident ce sont aussi les rondes policiĂšres, le harcĂšlement, la prison, le sida, la marge.
Ces sorties homonationalistes sont d’autant plus incohĂ©rentes que s’il y a bien des endroits oĂč il ne fait pas bon ĂȘtre un pĂ©dĂ©, c’est aussi dans les pays dirigĂ©s par les amis de Mme Le Pen.

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Les revirements rĂ©cents, ou plutĂŽt les dissimulations du RN vis-Ă -vis de la Russie de Poutine ne sauraient masquer les annĂ©es de soutien, de collaboration et de fascination. Nous ne reviendrons pas ici sur les financements russes du RN accompagnĂ©s d'un alignement du parti sur les positions poutinienne, notamment sur l’annexion de la CrimĂ©e. Mais nous nous concentrerons sur son soutien idĂ©ologique au Kremlin sur les questions LGBTI. En 2013, alors que les agressions homophobes en Russie font l’actualitĂ©Ì, la prĂ©sidente du FN affirme que les homosexuels n’y sont pas persĂ©cutĂ©s. Cette mĂȘme annĂ©e, un dĂ©putĂ© russe Vitaly Milinov fait voter une loi sanctionnant la «propagande homosexuelle» dans le pays, il compare les homosexuels Ă  des personnes vivant avec « un chien », et nous qualifie mĂȘme de «violeurs d'enfants ». Ce dernier a Ă©galement organisĂ© des raids dans des clubs gays. Quelques annĂ©es plus tard, Marine Le Pen, la fille Ă  pĂ©dĂ©, se prendra en selfie avec lui. Zut alors !

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Elle est tellement proche de Moscou qu'en 2017 elle est persona non grata auprĂšs d’un autre pouvoir d’extrĂȘme droite, en Pologne, traumatisĂ© par son voisin un peu trop... envahissant. En effet, ce n’est pas l’amour fou avec Andrzej Duda et le Pis « Droit et justice », mais Viktor OrbĂĄn, le premier ministre Hongrois, va jouer les entremetteurs, si bien que quand ces ultraconservateurs polonais s’attaquent au LGBTI, et que fleurissent des « zones sans LGBTI » Marine Le Pen considĂšre nos droits comme un non-sujet. Et son numĂ©ro deux, Jordan Bardella croit savoir qu’ « Il n’y avait pas de zones anti-LGBT en Pologne ». Il ment. 
Le 11 mars 2021, les eurodĂ©putĂ©s RN refusent de voter une dĂ©claration instituant l’UE comme « zone de libertĂ© LGBTIQ ». Pendant ce temps lĂ  Marine Le Pen se prend en photo avec Mateusz Morawiecki le chef de ce gouvernement du Pis. DĂ©cidĂ©ment c’est pas de chance !

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L’entremetteur n’est pas innocent non plus sur les questions LGBTI. DĂšs son arrivĂ© au pouvoir en 2010, il s'efforce de mener des rĂ©formes visant Ă  empĂȘcher l'avancĂ©e des droits LGBTI, pour « prĂ©server les valeurs chrĂ©tiennes traditionnelles ». L'artisant de ces lois est son fidĂšle eurodĂ©putĂ© JĂłzsef SzĂĄjer (FIDESZ) qui sera contraint de dĂ©missionner de son poste au Parlement europĂ©en, on se fait un plaisir de le rappeler, parce qu’il a Ă©tĂ© repĂ©rĂ© Ă  la sortie de backroom pĂ©dĂ©s. La tuile.
Marine Le Pen a fĂ©licitĂ© OrbĂĄn en avril 2022 lorsqu’il a remportĂ© l’élection et le droit de poursuivre un quatriĂšme mandat, et a Ă©tĂ© reçue en Hongrie avec les honneurs. Comme le rappelle TĂȘtu, Marine Le Pen a d’ailleurs diffusĂ© une vidĂ©o de soutien du prĂ©sident hongrois Ă  l’un de ses meetings Ă  Reims pour les prĂ©sidentielles de 2022, dans laquelle ce dernier dĂ©clare : « Nous voulons protĂ©ger les familles et nous ne voulons pas laisser entrer les militants LGBT dans nos Ă©coles. » InterrogĂ©e sur ces dĂ©clarations, Marine Le Pen a affirmĂ© ĂȘtre « contre tout prosĂ©lytisme sexuel Ă  l’égard des enfants ». Un classique des homophobes en somme.
Autre continent, au BrĂ©sil, Marine Le Pen est la seule Ă  « ne pas voir ce qui fait de Bolsonaro un candidat d'extrĂȘme droite ». Au pays des aveugles, la fille du borgne est reine.
On se souvient de Jair Bolsonaro dire prĂ©fĂ©rer voir son fils mourir dans un accident que de le voir ĂȘtre gay et prĂ©cisant dans Playboy qu'il serait « incapable d'aimer son fils s'il se rĂ©vĂ©lait ĂȘtre homosexuel » ou que le « BrĂ©sil ne devait pas ĂȘtre un pays de pĂ©dĂ©s ». Le BrĂ©sil est devenu le pays qui compte le plus grand nombre de crimes contre les personnes LGBTI. Les femmes trans, notamment racisĂ©es issues des classes populaires, sont les plus exposĂ©es. Le projet Trans murder monitoring a recensĂ© 92 mortes en 2020, ce qui reprĂ©sente une augmentation de 41%. 
Lors de son ascension au pouvoir, une camarade du PSOL, Marielle Franco, militante lesbienne et racisée est assassinée par les milices bolsonaristes.
Marine Le Pen, toujours elle, dĂ©fendait le prĂ©dĂ©cesseur de Lula en disant « Il a sĂ»rement tenu des propos qui sont Ă©minemment dĂ©sagrĂ©ables, qui ne sont peut-ĂȘtre pas du tout transfĂ©rables dans notre pays, c'est une culture qui est diffĂ©rente. Mais est-ce qu'on va Ă  un moment donnĂ© accepter que les peuples ont des histoires et des cultures qui sont diffĂ©rentes, ou est-ce qu'on cherche toujours Ă  juger, Ă  jauger ce qui se passe Ă  l'extĂ©rieur en vertu de notre propre culture et de notre propre histoire ? ». À l’image de Sarko et sa « discrimination positive », elle nous invente « le choc des civilisations positif». Imaginons la dire la mĂȘme chose d’Ahmadinejad
 On pleure de rire. Ah non pardon. On pleure.

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On pourrait Ă©galement parler de Donald Trump, dont le FN a eu du mal Ă  accepter la dĂ©faite, et dont nombre de militant se sont fĂ©licitĂ© de la tentative de coup d’état au Capitole. Il a lĂ©galisĂ© la discrimination homophobe et transphobe au travail, instituĂ© la transphobie dans l’armĂ©e, suspendu des visas pour les conjoints de diplomates homosexuels non mariĂ©s et supprimĂ© la circulaire sur le droit des Ă©lĂšves transgenres Ă  choisir leurs toilettes. Mais les rapports entre Trump et Le Pen sont plus distendus qu’avec d’autres dirigeants d’extrĂȘme droite.
Steve Bannon, qui se veut le parrain amĂ©ricain des populistes europĂ©ens tente de faire le lien. L’école de Bannon c’est le masculinisme et le sexisme, dans son discours, il tente pourtant d’établir un parallĂšle entre les gays obligĂ©s de cacher leur identitĂ© Ă  leurs proches et
 les hommes blancs hĂ©tĂ©ros qui n’osent plus s’affirmer. L’inversement du poids de l’oppression Ă©tant encore un classique de ce courant. La victimisation des forts, le dĂ©nigrement des opprimĂ©s.
Son homologue italienne Giorgia Meloni ne cache pas non plus sa vision conservatrice de la famille. Elle martÚle son opposition au « lobby LGBT », (terme également utilisé par Marine Le Pen), comme lors de son meeting en juin dernier en Espagne pour soutenir le parti néofranquiste Vox : « Oui à la famille naturelle, non au lobby LGBT ! Oui à l'identité sexuelle, non à l'idéologie du genre ! »
Si elle a quelques amis et collaborateurs gays en France, elle en a Ă©galement beaucoup d’homophobes, ici et ailleurs. La plupart de ses interlocuteurs Ă©trangers sont des homophobes notoires. Ici, l’un des principaux enjeux du Front National est donc de faire cohabiter les diffĂ©rentes lignes de l’extrĂȘme droite. C’est d’autant plus vrai avec l’ascension, certe limitĂ©, de Zemmour qui, pour sa part, lie sa haine dĂ©complexĂ©e avec un libĂ©ralisme Ă©conomique encore plus poussĂ© que le Front. Il a attirĂ© les plus homophobes, mais nul doute que si l’une ou l’autre parvenait Ă  prendre le pouvoir, ils gouverneraient ensemble. Des camps, de la prison, de la rĂ©pression, du VIH/Sida, l'extrĂȘme droite s’en est toujours pris au LGBTI. DĂ©pĂ©nalisation, dĂ©psychatrisation, PACS, mariage, adoption, PMA, le FN s’est toujours opposĂ© Ă  nos droits.

Ni les minous, ni les minets ne parviendront à masquer le vrai visage du parti fondé par Jean-Marie Le Pen : le parti du travail précaire, de la famille hétérosexuelle et de la patrie xénophobe.

On se tient au jus pour nos prochaines actus ?
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